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Télétravail depuis la Bretagne ou les Seychelles : le retour à la machine à café
Pas une semaine sans un titre aguicheur sur le "full remote". Pas un magazine sans une carte de France montrant l’explosion des prix des maisons en province. Pas un blog sans la narration exaspérante du riant changement de vie d'un couple, télétravaillant depuis les Seychelles. Avec le confinement de 2020 et son cortège de visioconférences contraintes, le télétravail total n’est plus utopique. Même le plus réfractaire des managers s’y est a(ban)donné. Du coup, les salariés se sentent pousser des ailes. Et quand son écran Teams dévoile un membre bronzé de son équipe, détendu sur fond de mer tropicale, le patron trépigne. Il demande au DRH comment il a pu laisser cela advenir. Et lui de répondre que le télétravail figure dans l’accord d’entreprise. Et que la fixation du domicile d’un salarié touche sa vie privée, selon l’article 8 de la CESDH. Si vous êtes un de ces patrons, collez-lui sous le nez cette décision de la cour d’appel de Versailles !
Un salarié avait transféré son domicile d’Ile-de-France (près de son employeur) vers le Morbihan. En tant que commercial, il sillonnait la France et le Sud de l’Europe. Il avait donc choisi d’offrir à sa famille un magnifique cadre de vie. Sans aller jusqu’au Seychelles, il s’était installé près de Vannes. Avec son salaire de cadre en Ile-de-France, il vivait à Elven comme un pacha. Quand l’employeur a eu vent du déménagement, il était trop tard. La famille était installée. Le salarié ne voulait plus revenir en région parisienne. S’appuyant sur son obligation de sécurité, l’employeur l’a sommé de revenir habiter à une distance raisonnable. Devant le refus du salarié, l’employeur l’a licencié.
La cour d’appel de Versailles vient de valider ce licenciement.
Le raisonnement est logique et on peut l’applaudir : Tout employeur doit veiller à protéger la santé et la sécurité de ses salariés. Or, un déménagement loin du siège -par exemple- accroît le temps de transport. Et ce, même si le salarié à une fonction itinérante. Il doit pouvoir venir sur simple demande. Avec un domicile si éloigné qu’il crée des contraintes en interne, dans l’entreprise, cela n’est plus possible. Il faut alors examiner l’opposition entre deux normes : l’article 8 de la CESDH (liberté de fixer son domicile familial) et l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur.
La cour d’appel a choisi de privilégier l’obligation de sécurité incombant à l’employeur. L’employeur a plutôt l’habitude qu’on lui oppose cette obligation. Il la subit plus qu’il n’en profite. Pour une fois, cette obligation vient à son secours !
Un temps de transport trop conséquent -lié à un déménagement très lointain- cause fatigue et stress. Cela place en défaut l’employeur, vis-à-vis de son obligation de sécurité d’employeur. Il pouvait exiger le retour du salarié en Ile-de-France.
Vous pourrez donc faire de même pour vos salariés télétravaillant depuis les tropiques ou une lointaine province. Leur refus de revenir vivre à proximité du siège, constituerait une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Chic ! Il y aura de nouveau affluence autour de la machine à café, le matin.
CA Versailles, 10 mars 2022, n°20/02208