Actualité
 25/11/2014
Actualités, Réorganisation / Restructurations

Pour limiter les contraintes de la loi Hamon, pensez à votre cession en amont…

Votée en plein chassé-croisé des vacances d’été et abstraite par son titre « l’économie sociale et solidaire », la loi Hamon du 31 juillet 2014 est passée totalement inaperçue aux yeux des investisseurs. Elle comporte pourtant une nouvelle contrainte de taille pour les entreprises. A compter du 1er novembre 2014, elles devront informer leurs salariés de tout projet de cession de leur activité ou de la majorité de leur capital. L’objectif avoué est de donner aux salariés l’opportunité de présenter une offre de rachat. A défaut, la cession pourra être annulée.

Inspirés par l’intention de préserver l’emploi en évitant la disparition d’entreprises rentables faute de repreneur, les articles 19 et 20 de la loi pourraient avoir l’effet inverse à celui recherché : ces mesures risquent de décourager les repreneurs potentiels, sans pour autant favoriser la transmission des entreprises aux salariés. En outre, à quelques jours de l’entrée en vigueur de la loi, le projet de décret d’application en préparation ne semble pouvoir répondre à aucune des questions soulevées par ces nouveaux textes, multiples et inquiétantes.
 

Entre incohérences et incertitudes, petit panorama sur l’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise

La fin du secret des négociations

La bonne réalisation d’un projet de transmission repose souvent sur la confidentialité des échanges entre le cédant et le ou les cessionnaires. La nouvelle obligation d’informer les salariés (au moins 2 mois avant la cession dans les entreprises sans représentation du personnel et concomitamment à l’information des représentants du personnel dans les autres entreprises) va nécessairement entraîner des fuites. Et ce n’est pas l’obligation de discrétion instituée par la loi – mais non sanctionnée ! – qui va empêcher l’information de se répandre comme une trainée de poudre, ni l’inquiétude de gagner les fournisseurs, les clients, les banquiers et les éventuels autres candidats à l’acquisition. Au risque de faire échouer un projet de cession solide et bien avancé. Seule bonne nouvelle : la consultation des salariés vaut pour deux ans, même si l’entreprise n’est pas vendue.

L’acquisition d’une entreprise ne s’improvise pas

La pratique des affaires n’a pas attendu juillet 2014 pour permettre la transmission d’une entreprise à ses salariés. Seule différence, cela s’organise très tôt et spontanément. Le chef d’entreprise lorsqu’il sait quelques salariés intéressés, définit avec eux les conditions de la reprise durant plusieurs mois, voire plus. Formuler une offre de reprise sérieuse en deux mois est illusoire, qui plus est face aux fonds d’investissement et aux équipes M&A des concurrents ou des banquiers, rompus à l’exercice.
La mesure est mal calibrée et inefficace. Est-elle à visée électorale ? On cherche en vain cette promesse dans les 60 propositions du candidat Hollande, aujourd’hui Président. On se rappelle seulement de l’épisode de la fonderie de Florange, partiellement fermée par la décision de son actionnaire. Mais le but – à supposer qu’il soit souhaitable – de ce texte ne sera jamais atteint car les articles L.23-10-1 et suivants et L.141-23 et suivants du Code de commerce, ne confèrent aux salariés aucun droit de préemption ou de premier refus, ni n’obligent l’entreprise à négocier ou céder ses titres ou actifs aux salariés même si leur offre est mieux-disante. « Encore heureux » serait-on tenté de conclure.

Une sanction atomique mais contre-productive

Le législateur a choisi la dissuasion nucléaire si les règles exposées ci-dessus n’ont pas été respectées : la cession intervenue peut être annulée, sur demande de tout salarié, formée dans un délai de 2 mois. Autrement dit, on sert sur un plateau d’argent un levier de plus aux salariés pour négocier de juteuses indemnités de départ. Pour la préservation de l’emploi, on repassera. Il reste à se demander si en l’absence d’opt-out dans les assets deals couverts par la réglementation des transferts d’entreprise (L.1224-1 du code du travail), la violation délibérée de cette règle d’information ne permettrait pas de gratifier les salariés qui ne veulent pas suivre – ou dont on ne veut pas qu’ils suivent – le business cédé, en exonération de charges sociales pour l’employeur et d’impôt sur le revenu pour les salariés…

L’avocat qui se penche sur ce texte reste forcément perplexe. Compte tenu des délais de procédure, l’annulation d’une cession violant l’obligation d’information interviendra, au mieux plusieurs mois après la cession. Sauf à remettre en cause la cession, restituer le prix à l’acheteur, récupérer l’impôt sur la plus-value auprès du fisc, rendre l’argent aux clients des mois écoulés, leur demander de renvoyer par la poste les produits achetés, ou de ne plus tenir compte des services à eux vendus, réembaucher les salariés licenciés et licencier les salariés embauchés depuis la vente, limoger la nouvelle direction en place, on ne voit pas comment « annuler » la vente. Donc seule une condamnation à des dommages-intérêts pourra concrètement être prononcée. A l’encontre du cédant ou du cessionnaire ? Ou des deux ? Au profit du seul salarié ayant demandé la nullité de la vente ? Ou de tous les salariés incluant ceux qui ont été dûment informés ? Pour indemniser quel préjudice ? On voit mal comment les décrets d’application en préparation répondront à ces questions. Et encore une fois, une petite couche supplémentaire d’incertitude et d’insécurité juridique aura été ajoutée dans l’esprit de nos entrepreneurs, il est vrai si heureux et détendus ces temps-ci…

Conclusion

Allongement des procédures et augmentation des coûts, voilà comment les dispositions destinées à faciliter la transmission d’entreprises à leurs salariés peuvent être résumées. En d’autres termes, le parfait cocktail pour décourager les vocations des repreneurs potentiels et fournir aux tribunaux surchargés un nouveau genre de contentieux à trancher.

Quelques pistes à suivre

En tournant et retournant le texte de loi, il apparaît quelques solutions pour sécuriser les projets de cessions à venir mais il faudra y réfléchir très en … amont du projet de cession :
 

Côté cédant :
  • Informer systématiquement tous les deux ans, même si l’on a pas du tout l’intention de céder prochainement ;
  • Retarder au maximum le moment de l’information des salariés pour conserver la confidentialité des négociations avec le ou les repreneurs potentiels puis créer un « tunnel » de 2 mois entre signing et closing.
  • Repenser la structuration des groupes pour faire porter la cession sur une entité dépourvue de salariés ;
  • Modifier la forme juridique de l’entreprise cible pour ne pas tomber dans les cessions de titres incriminées ;
  • Vendre à terme et en petits paquets les titres concernés ;
  • Procéder à une cession partielle de fonds de commerce.

Côté cessionnaire :
  • Intégrer la preuve de l’information individuelle et de réponse négative ou le délai de refus tacite (2 mois) et de recours (2 mois) à l’offre de reprise, sous forme de condition suspensive ;
  • Prévoir dans la garantie de passif de faire supporter au seul cédant, ou au seul cessionnaire, ou aux deux avec une clé particulière de répartition, le risque de condamnation.

Bref, les avocats d’affaires ont de beaux jours devant eux.

Paris, le 9 octobre 2014

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